Promenade...

Nombre de messages : 16 Date d'inscription : 18/11/2008

La forêt…plus vieille que les murmures de cette ère, plus sage que les pauvres et mortelles créatures qui l’habitaient, elle se dressait autour de l’école, et était née bien avant le bâtiment qui mourrait bien avant l’agonie de la Nature qui la composait. Antony ne pouvait s’empêcher de frissonner dès qu’il passait devant, mu par un respect instinctif et si grand qu’il s’apparentait presque à de la peur.
Traversant rapidement les premiers sous-bois, les deux élèves et leurs animaux arrivèrent bientôt dans une clairière immense, dont la plus grande partie était composée de deux lacs qui se rejoignaient à cet endroit, formant une étrange courbe en s’enfonçant dans les bois d’un côté, et se mêlant à la roche de l’autre. Cheshire s’élança vers la rive, et se penchant vers l’avant, plongea délicatement une de ses pattes dans l’eau. Il la ressortit immédiatement, surpris par la température froide du lac. Remuant la queue, il plongea et enleva répétitivement la patte dans l’étendue liquide.
Antony leva les yeux aux ciel devant l’attitude de son chat. Il soupira, passant une mains dans ses cheveux d’un geste machinal, pour enlever les mèches de son visage. Levant les yeux, il regarda un moment la lune qui montait tandis que le soleil lui cédait la place. L’union éphémère de la lumière des deux astres apportait d’étranges reflets, mêlant l’or et l’argent dans les orbes grise et marron, tandis que ses cheveux ébène caressaient sa peau nacrée.
Resserrant son manteau autour de lui, le jeune garçon jeta un coup d’œil à sa camarade, tandis que les deux chats s’amusaient sur les rives du lac, tableau irréel devenu vivant.

Ils avaient traversé les sous-bois de la vielle forêt de feuillus pour arriver à la grande clairière abritant les deux immenses lacs. L’eau était limpide et l’on voyait le fond avec précision, les petits galets, les algues et toute la faune et flore multicolores qui les peuplaient de leurs écailles et tentacules.

S’arrachant à la contemplation de cet univers fantastique, Aloïs posa les yeux sur les deux chats. Sa bouche se détendit quelque peu en un imperceptible sourire. Le chat de son camarade était vraiment mignon à tremper sa patte. Adagio, lui, se regardait dans l’eau. Il approcha un œil puis l’autre de la surface le reflétant pour inspecter son image, leva la patte, fit de petits bonds, bougea ses oreilles. Intrigué par l’image qui faisait exactement comme lui, il se rapprocha tellement que sa truffe toucha l’eau. Relevant vivement la tête, il couru se cacher entre les jambes de sa maitresse. Cette dernière esquissa un doux sourire, un vrai cette fois. Et, replaçant une mèche derrière son oreille, elle se tourna vers le jeune homme à côté d'elle. Leur regard se croisa.

Le sourire d'Aloïs s'effaça par pudeur car elle n'avait pas l'habitude de montrer ses sentiments, mais ses yeux brillaient toujours d'une lueur de sympathie et de sérénité. C'était étrange mais soulageant de ne pas se sentir obligée de revêtir son masque froid d'indifférence. Elle se demanda pourquoi cette personne en particulier la mettait plutôt à l'aise. Aloïs se mit à genoux dans l'herbe et, d'un geste, invita son camarade à en faire autant. Elle contempla encore le lac puis se rendit compte qu'elle était assez à l'aise pour le faire…Ça elle ne l'avait jamais fait devant quelqu'un, juste pour elle-même. Alors, doucement, elle rapprocha sa boite d'elle. L'ouvrant, elle en sorti deux bouts de bois.

Se relevant, Aloïs ajusta les cordes. Une fois debout elle se plaça correctement et commença un mouvement lent. Une mélodie classique, mélancolique, qui imposait à l'esprit un paysage gris et pluvieux s'échappa du violon. Ses yeux devinrent vides, ses paupières s'abaissèrent et une larme pointa au coin de son œil. Les notes semblaient tourbillonner autour de la musicienne pour la porter, l'élever. Peu à peu, la musique s'affaiblit et la jeune fille rouvrit les yeux. Elle contempla au loin, le deuxième lac transparent, n'osant pas se retourner et, peut-être, affronter un jugement sur son improvisation.

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Antony sourit en regardant passer le chaton blanc. Celui-ci se pelotonna dans les jambes de sa maîtresse, esquissant un regard surpris et un apeuré vers le lac d’eau claire. Antony releva les yeux, croisant le regard de sa camarade. Il remarqua le sourire qui se fanait doucement sur ses lèvre, mais ses yeux bleu violet gardaient toujours une lueur calme et sympathique. L’adolescent s’en étonna ; durant le peu de temps qu’ils avaient passé dans la chambre, il n’avait guère vu cette étincelle briller. Au contraire, tandis qu’elle parlait à l’elfe, ses yeux étaient glacés, presque effrayants, ne s’adoucissant qu’en observant son chat.

La jeune fille baissa la tête, coupant ainsi le fil de ses pensées, et s’agenouilla dans l’herbe émeraude, l’invitant d’un signe à faire de même. Curieux, Antony obtempéra et la regarda un moment, tandis qu’elle observait le paysage onirique. Puis elle détourna les yeux et prit doucement sa boîte noire sous le regard curieux de son voisin.

Antony observa les bouts de bois qui brillaient d’un ton nacré à la lueur de la lune levante. Elle les assembla, et confirma la pensée d’Antony qui devinait un violon. L’instrument était aussi ancien que magnifique , et il en admira les courbes et les cordes.

Sa camarade se releva, mais lui préféra rester ainsi, assis par terre avec les mains croisées et les bras négligemment appuyés sur ses genoux pliés devant lui. Elle accorda son instrument, en en tirant d’imperceptibles notes qui s’échappèrent et s’évaporèrent dans le vent, faisant dresser les oreilles des deux chats revenus près de leurs maîtres.

Puis elle joua.

Antony ferma les yeux et plus qu’écouter, s’imprégna de la mélodie. Celle-ci était triste et mélancolique, faisant apparaître sous ses paupières fermées des paysage de pluies et de nuages, attirant des souvenirs qui lui laissèrent une boule au fond de la gorge. Elle était aussi magnifique, et l’adolescent ne put empêcher une larme de s’échapper de son yeux clos et de rouler sur sa joue. Pour peu, il aurait juré qu’elle se mêlait à la pluie imaginaire, mais quand il porta ses doigt à son visage, seul le chemin que la goutte s’était tracé était mouillé.

Quand la jeune fille s’arrêta, Antony la regarda. De là où il était assis, il ne la voyait que de dos. Il se leva sans un mot. Une seule parole aurait brisé la bulle irréelle à laquelle le morceau avait donné naissance, et de toute façon, il n’avait pas à mettre des mots sur les sentiments qu’il voulait exprimer. Il étendit une main timide, puis, après un moment d’hésitation, la relaissa tomber à son côté.

Aloïs était toujours de dos, ne sachant que faire elle préféra ne pas se retourner. Alors elle s'accroupit dans l'herbe verte et, doucement, du bout des doigts, elle caressa la brillante surface du lac. Elle regarda au loin puis se retourna un peu vers le jeune homme. Leurs regards se croisèrent et elle baissa immédiatement les yeux. Elle s'adonna à la contemplation de l'herbe verte, cette couleur si belle, si vivante, si...joyeuse? Aloïs ressentit tout à coup le besoin étrange d'amener un peu de gaité entre elle et cet autre étudiant et elle voulu jouer pour lui un air joyeux, juste pour lui.

La jeune fille remis son violon sur son épaule mais ne commença pas à jouer. Elle avait tout à coup peur. Son visage s'était renfermé de sorte que son vis à vis ne puisse pas déceler cette faiblesse en elle. Aloïs n'avait jamais joué d'air joyeux, elle ne savait pas si son instinct était capable d'en faire créer un à ses mains. Aussi, elle essaya de trouver un début, mais cela ne venait pas... Heureusement Adagio la sauva quelques instants, il se frottait contre ses jambes et demandait à être pris dans les bras. La jeune magicienne prit son archet et son violon dans la même main et, de l'autre, monta la petite boule de poils sur son épaules.

La brunette sentit le stresse la gagner. Si elle n' arrivait pas elle passerait pour une idiote et, ça, elle ne le voulait pas! Mais qui comprendrait qu'elle ne puisse pas jouer ou même ne serait-ce qu'imaginer un air joyeux? Qui donc pouvait comprendre cela? Tout le monde connaissait au moins un chanson de fête ou d'enfance mais elle non. En cet instant elle maudissait ses parents pour l'éducation qu'elle avait reçue. Elle pria pour une aide quelconque, un petit air qui passerait comme ça, quelqu'un qui sifflotterait non loin de là, le vent dans les feuilles, peu importait quoi, elle avait besoin d'aide...

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